Bienvenue sur mon blog. "Irving Rutherford", c'est mon pseudo, et c'est aussi un roman feuilleton qui paraît tous les mardis. Je sais pas vous, mais moi je déteste les écrivains qui racontent leur vie, même si c'est un peu ce que je fais. Alors du coup j'arrive pas à m'empêcher de rajouter deux ou trois trucs en plus, pour agrémenter le quotidien.
Si c'est votre première visite, je vous invite à lire un épisode ou deux. Chacun peut se lire indépendamment, mais le tout est relié par une continuité, et les vieux épisodes sont gardés dans les archives.
Je souhaite une bonne lecture aux nouveaux lecteurs comme aux habitués.


8 décembre 2009

13. Vincent grosses couilles

-Elles sont grosses et elles me font mal.
La salle d'attente est bondée. Les fenêtres ouvertes sur l'hiver rude qui sévit n'arrivent pas à rafraîchir la pièce. Une foule compacte et moite s'entasse depuis des heures sans discontinuer, et les rares médecins présents ont déjà conseillé plusieurs fois aux gens venus faire de simples contrôles de repartir chez eux.
Le temps n'existe plus. Il a connu les magazines, les mots fléchés, les discussions polies avec les voisins de chaises. Le temps en a eu assez, et il nous a quitté. Je ne saurais même plus dire quel jour on est. Et comme Vincent ne s'ennuyait pas assez pour lire une des bandes dessinées que j'avais amenées, il n'a plus eu d'autre choix que de me parler de ses couilles.
-Vraiment, continue-t-il, je peux pas porter de ceinture comme tout le monde. Sinon le pantalon est trop relevé et elles frottent. Elles prennent beaucoup de place.
-Il paraît que les caleçons c'est mauvais, dis-je sans réfléchir, que ça les encourage à tomber.
-Putain, tu peux pas être sérieux deux secondes ?
Les gens dans la salle d'attente sont trop fatigués pour nous prêter attention. Heureusement d'ailleurs, parce qu'on ne passe jamais autant pour un con que lorsque l'on parle de ses parties génitales. Mais la foule a d'autres préoccupations, comme de savoir si l'hôpital fonctionne encore, ou si les autorités ont engagé des comédiens en blouses blanches pour donner l'illusion qu'elles contrôlent la situation. Je répète une dernière fois à Vincent qu'il n'était pas obligé de m'accompagner.
-Tu m'écoutes ? me demande-t-il. Je te dis qu'elles me font mal.
Les filles vont chez le gynécologue. Nous autres on s'enfonce dans la honte et on meurt à petit feu. Ce n'est peut-être simplement pas le moment de tomber malade. Ni celui d'être français, ni celui de faire des projets.
-La vie d'homme est pénible, philosophe Vincent. Je voulais te parler d'une idée que j'ai eue, et que tu dois écrire, mec.
-Je suis plus écrivain, dis-je.
-Ouais, et t'es pas pédé non plus. Sérieusement. Il y a que toi qui écrit des trucs sérieux.
-Pas toujours.
-En tout cas moi j'y arrive jamais.
Une actrice costumée en radiologue vient m'annoncer que c'est à mon tour. Je me lève et abandonne Vincent à ses regrets littéraires. S'il ne peut pas écrire sérieusement, c'est peut-être justement parce qu'il prend l'écriture trop au sérieux. Je n'ai encore jamais réussi à lui faite lire une bande dessinée.
La comédienne m'emmène jusqu'à une pièce un peu plus loin, et me demande de retirer mon pantalon. Elle me fait la remarque que mon caleçon est vraiment très large, et me demande si je sais que c'est mauvais pour les parties génitales. Je réprime un éclat de rire, avant de lui répondre que j'ai du mal à être sérieux.
J'installe ma jambe sur une plaque métallique, et la comédienne va s'installer à son ordinateur pour lancer la machine.
-Vous venez au bon moment, dit-elle. Dans quelques semaines on sera certainement fermés, au rythme où vont les choses.
La machine infernale s'empare de ma jambe. Elle la sonde, traque ma tumeur pour savoir si oui ou non elle a grossi. Et la laisser grossir ce serait pas sérieux.
J'ai la sensation désagréable que la machine me mange. Qu'elle détruit le mal par le mal en mastiquant ma jambe meurtrie. La comédienne fait un commentaire stupide sur la vague de grèves qui paralyse le pays. Je n'arrive pas à mettre de mots sur ce qui me dérange dans les hôpitaux.
Soudain, des hurlements nous parviennent du couloir, ainsi que des bruits de lutte. Je reconnais la voix de Vincent qui vocifère des insanités, et m'extrais rapidement du robot traqueur de cancers. Sans prendre la peine de remettre mon pantalon, je me rue sur la porte du couloir, poursuivi par une comédienne paniquée qui se perd dans ses répliques et m'ordonne de rester à ma place. J'ouvre la porte, et découvre Vincent allongé par terre quelques mètres plus loin, se tenant les couilles à pleines mains. Deux infirmiers tentent de le maîtriser, pendant qu'il beugle « Me touchez pas, bande de pédés ! », avant de m'apercevoir et de me hurler de mettre un pantalon et de faire quelque chose.
La vie d'homme est pénible. Nous autres on s'enfonce dans la honte et on meurt à petit feu. Je n'arrive pas à mettre de mots sur ce qui me dérange dans les hôpitaux. Et puis tout se répète.
Il y en a juste qui se débattent plus que les autres.

-C'est un peu comme une crise d'appendicite, m'explique Vincent, sauf que c'est pour les couilles.
-Ca veut dire que...
Je laisse volontairement ma phrase en suspens. Il baisse les yeux et semble perdre son regard parmi les pois de sa blouse d'hôpital. Silencieusement, il actionne la commande qui abaisse son lit. Je dirais qu'il a l'air fatigué.
-Il y a ma meuf qui va pas tarder, marmonne-t-il. Je lui ai dit qu'on s'était plantés en scooter, et que c'est toi qui conduisait.
Je vérifie qu'aucune infirmière ne rôde dans les parages, avant d'aller ouvrir la fenêtre et de m'allumer une cigarette. J'en donne une à Vincent, qui peste contre le froid polaire qui a envahi la pièce en quelques secondes.
Le blizzard parisien ravage les immeubles haussmaniens et persécute les touristes. Perchés dans notre tour d'hôpital, nous attrapons la mort en observant la ville qui gèle à vue d'oeil. Vincent me donne les clefs de son scooter, en ronchonnant que de toute manière il ne va pas pouvoir s'assoir avant quelques temps.
-Il est à toi pour deux ou trois semaines, dit-il. Et t'as de la chance que Xavier soit pas à Paris, sinon c'est lui qui l'aurait eu.
Une bourrasque me fait frissonner. Il remonte son lit, et je jurerais qu'il aime jouer avec les boutons de commande. Je lui annonce que j'ai rendez-vous quelques étages plus bas dans moins de dix minutes. J'attrape mon manteau d'hiver et il me demande d'attendre.
-Je t'ai toujours pas parlé de l'idée que j'ai eue, me rappelle-t-il. Tu dois l'écrire.
-Tu pourrais l'écrire tout seul.
-Bien sûr que je pourrais. Ecoute ça : C'est un mec qui attend à un passage pour piétons. Il attend pour traverser. Et puis il commence à se faire des films, il pense que quelqu'un de très important va arriver en face. Mettons qu'il est acteur, et qu'il pense qu'un grand réalisateur vient à sa rencontre. Alors il s'assoit par terre, sur le trottoir.
-Pourquoi ?
-Parce qu'il croit que si la personne importante le voit comme ça, elle va être intriguée, et qu'elle voudra lui parler. Donc il attend.
-Et le feu piéton passe au vert ?
-Oui. Et les gens traversent. Mais il y a personne d'important. Peut-être une meuf pas trop dégueulasse.
La Martine de Vincent fait irruption dans la pièce. Elle commence par me traiter de sale pédé pour ce que j'ai fait à son mec.
Je jette ma cigarette par la fenêtre, et la regarde dégringoler les étages. Elle va se perdre en tourbillonnant dans les tornades d'hiver. Pendant que Vincent fait des mamours en racontant qu'il y a eu plus de peur que de mal, je m'éclipse pour aller à mon rendez-vous.
Je descends les étages pour aller rejoindre un médecin débordé qui n'a que des mauvaises nouvelles.
-C'est opérable, m'annonce-t-il. Mais pas ici. Pas en ce moment.
Il parle de la France et de la grève. Il explique les listes d'attente interminables et la tumeur qui n'attend pas. Il conclut que le pays ne se relèvera peut-être jamais, et que du coup moi non plus.
-Peut-être qu'en Suisse ou en Allemagne vous auriez été mieux.
Sauf que je suis français, et qu'à ce titre je prie de toutes mes forces pour des jours meilleurs. Je lui conseille de ne pas perdre espoir, parce que c'est une bonne chose que tout le monde pète un câble. Que ça veut dire qu'il y a une soupape de sécurité quand on nous fait vraiment trop chier.
Il me regarde bizarrement, et note quelque chose dans mon dossier qui est posé sur son bureau. Je sais bien que c'est un truc comme « délire » ou « incohérent », mais je jurerais qu'il écrit « connard ».

Paris est traversé par de rares voitures, et de rares passants. Je me demande parfois où tout le monde est passé. S'il n'y a vraiment que les cons qui restent ici avec toute la merde.
La ville est calme, et je regarde le scooter de Vincent de l'autre côté de la route, en attendant Martine qui est en retard. Je tente de lui envoyer un message, mais le réseau ne passe plus ici depuis un moment déjà.
Je m'assois sur le trottoir. La capitale dépeuplée m'offre ses rues fantomatiques, mais pourtant Vincent pourrait avoir raison. Je fixe le feu piéton en face de moi, qui ne retient pas un seul passant. J'attends.
C'est la scène où l'écrivain triste montre ses sentiments, pour changer. C'est un peu le moment d'émotion. Assis sur le trottoir, il attend que sa vie change, que quelqu'un vienne le chercher. Il fait un peu son intéressant.
Le feu passe au vert, et seul un vieux sac plastique porté par le vent se risque à traverser la route. J'ai la sensation de ne plus rien avoir à attendre de cette ville.
Martine s'assoit à côté de moi, sans que je l'aie vue arriver. Trop occupé à fixer le trottoir d'en face. Elle m'embrasse et me demande ce que j'attends.
-Je sais pas, dis-je. Que Paris me donne une bonne raison de rester.
-Tu pars ?
Je me lève, et elle aussi. Je passe mon bras autour de ses épaules et nous traversons la route. Arrivé au scooter, j'enfile le casque prêté par Vincent, difficilement parce que ce con a une petite tête. Martine rigole, et me fait remarquer que tout ça paraît un peu mis en scène.
-Tu fais chier à tout le temps partir, râle-t-elle.
Je l'embrasse et lui colle une claque au cul avec un sourire. Je lui demande si elle m'attendra et elle éclate de rire. J'enfourche le scooter et fais les câlins d'usage, avant de démarrer. C'est vrai que j'ai un peu écrit cette scène à l'avance.
Mais maintenant Paris s'éloigne et je sais pas par quoi commencer. Mais l'inspiration n'est pas relative à cette ville. En traversant la banlieue, je songe qu'il est peut-être temps d'avoir des grosses couilles et de redevenir écrivain.


Note : Tu vas perdre un ami

Prochainement : Caroline à la ferme

16 commentaires:

  1. Partant du fait que c'est gratuit de lire ces nouvelles, j'ai à chaque fois l'impression d'en avoir eu pour mon argent

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  2. comme titre vincent grosses couilles c'est nul et puis on s'en fout de ses couilles c'est pas intéressant du tout

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  3. La MAÏZENA : veritable moteur de toute la religion catholique. J'aime !

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  4. Quells sont donc vos influences revendiquées ? Moi je dirais qu'il y a une sorte de touche à la Irvine Welsh ou Jo-Ann Goodwinn. Non ?

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  5. Mes influences sont principalement les vraies personnes dont je parle. Sinon je suis un grand fan de littérature anglo-saxonne en général, et de bande dessinée.

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  6. on resen bien latmospher ambiante

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  7. Ah oui j'ai failli parler de bande dessinée aussi mais je pensais que vos influences étaient surtout littéraires !

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  8. je parie que votre prochaine histoire se nommera 'caroline grosse vulve' vu comme ça vole pas haut ici..

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  9. C'est un bon titre, je le réutiliserai peut-être. Ca parlera d'une attaque de vagin géant venu éradiquer la race humaine.

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  10. le délé datente est tro long !!!!!! sa me soule tro là

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  11. La mise à jour va encore se faire à minuit moins une ?

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  12. Elle est là. Le délai est toujours d'une semaine. Pas de mauvais esprit, cher Joel.

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