Bienvenue sur mon blog. "Irving Rutherford", c'est mon pseudo, et c'est aussi un roman feuilleton qui paraît tous les mardis. Je sais pas vous, mais moi je déteste les écrivains qui racontent leur vie, même si c'est un peu ce que je fais. Alors du coup j'arrive pas à m'empêcher de rajouter deux ou trois trucs en plus, pour agrémenter le quotidien.
Si c'est votre première visite, je vous invite à lire un épisode ou deux. Chacun peut se lire indépendamment, mais le tout est relié par une continuité, et les vieux épisodes sont gardés dans les archives.
Je souhaite une bonne lecture aux nouveaux lecteurs comme aux habitués.


30 mars 2010

28. Lucien insiste

-Bah alors, ma poule, je croyais que les écrivains adoraient les chemises blanches ?
Lucien me colle une gigantesque claque sur l'épaule, et s'amuse à me donner des petits coups de poings dans les côtes, juste pour voir comment je me défends. J'ai l'impression qu'à chaque mouvement que je fais, la chemise que je porte va se rompre tant elle me paraît fragile.
Mon réalisateur attrape un vendeur qui passe et lui demande une cravate pour aller avec le costard que je porte. Il me chahute encore un peu, me questionnant avec insistance sur la cavalière que je compte amener pour monter le tapis rouge.
-Il y aura un tapis rouge ?
-Je vais en louer un, me répond-il. Et puis des plantes aussi, parce que la salle des fêtes est un peu morne.
-La salle des fêtes ?
Il rit de bon cœur, comme un gosse excité à l'idée de jouer dans le spectacle de son école. Il me parle du film qui va faire un carton en DVD, et de l'aventure humaine qu'aura été le tournage.
-Tu m'as scotché, s'exclame-t-il. La scène avec le commissaire, là... Et puis cette scène aussi où tu as improvisé une réplique...
Je lui rappelle la phrase exacte, qui est « Si j'étais un homme bon, je pourrais me dire que je ne mérite pas tout ce qui m'arrive ». Il s'esclaffe comme si j'avais sorti la blague de l'année, et soliloque sur la colère dans mes yeux qui passe bien à l'image.
Le vendeur revient et me propose plusieurs cravates. Lucien en choisit une pour moi, un peu trop bariolée à mon goût. J'aperçois mon reflet dans le miroir, et ce n'est pas moi que je vois mais Irving Rutherford. Il m'observe en retour, avec un air perdu, se demandant pourquoi je m'habille comme lui.
Lucien revient à la charge au sujet de ma cavalière, et je suis forcé de lui avouer que je comptais venir seul. Il me fait comprendre avec insistance que c'est impossible.
-Du glamour, ma poule.
Je remarque que le vendeur, maintenant retranché derrière son comptoir, se fout de ma gueule. Sans doute la cravate. Le miroir s'assombrit, et Irving Rutherford, lassé, fout le camp. La glace obscurcie ne me renvoie plus qu'un reflet vide dans lequel je ne suis pas. Mon ego crie au scandale.
Mon réalisateur a des mots rassurants, et me console en me proposant d'aller en boîte ce soir pour me chercher une cavalière. Je l'écoute à peine, trop obnubilé que je suis à scruter le miroir à la recherche de mon reflet. J'ai beau savoir que c'est un peu narcissique, j'aimerais qu'il renvoie mon image, même floue, même incomplète.
Je voudrais exister toujours plus, jusqu'à devenir aussi important qu'Irving.
Enfin, je voudrais savoir pourquoi je n'appartiens pas au monde du miroir. Calmement, je m'avance vers la glace vide. Derrière se trouvent certaines réponses, et probablement un univers parallèle. Il est habité par des êtres qui nous ressemblent, et qui sont pratiquement tous gauchers. De l'autre côté du miroir, mes tatouages sont illisibles, et c'est une manière comme une autre de tirer un trait sur le passé.
Je ferme les yeux. Les sons autour de moi sont déformés par l'atmosphère mystique que j'ai créée en quelques secondes. C'est presque un moment solennel, et sûrement aussi un nouveau départ.
Je marche vers le miroir, sans peur, et me cogne de plein fouet. Mon front fait un bruit sourd qui résonne dans le magasin, et je sens mon nez s'aplatir violemment.
Je pousse un juron en ouvrant les yeux, et frotte mon visage endolori. Lucien pousse un éclat de rire retentissant, tandis que les clients braquent leurs yeux sur moi comme des phares. Je rougis un peu, observant mon réalisateur se tordre de rire.
-Cette fois tu t'es surpassé, s'esclaffe-t-il.

-Qu'est-ce que tu prends, ma poule ?
-Comme toi.
-Ça m'étonnerait, t'aimes pas la bière.
-Prends-moi une putain de bière.
Sans chercher à comprendre, Lucien se faufile dans la foule amassée près du comptoir, et tente de capter l'attention d'un serveur. Tout le monde boit de la bière putain, alors moi aussi.
Le DJ lance une chanson à la mode, qui fait rugir la salle. Les gens se mettent à se trémousser, plus ou moins en cadence. Certains font des efforts pour ne pas renverser leurs verres, d'autres frottent leurs culs par terre. L'air se fait rare, mais il est agréable à respirer. Il est chargé d'odeurs concrètes et de sons graves qui font vibrer les tripes.
Lucien semble perdu dans la foule. Je joue des coudes pour le rejoindre, et interpelle un serveur d'un signe de la main. Ma chemise blanche irradie sous la lumière ultraviolette, et fait de moi un néon humain. Je lance un sourire provocateur à Lucien.
-C'est juste parce que t'es plus grand que moi, grogne-t-il.
J'attrape nos verres et le laisse payer. Il me demande ensuite si ça me plairait d'aller m'installer au carré VIP. Il me désigne un coin de la boîte où sont disposés quelques canapés, accessibles à tout le monde. Je prends sur moi pour ne pas faire de sarcasmes, car le nouveau moi est plus tolérant.
Nous allons nous installer sur un canapé, et instantanément Lucien commence à me désigner des filles qui dansent en me demandant laquelle m'intéresse. J'avale une gorgée de bière dégueulasse en temporisant ma réponse. Je suis sauvé par un homme qui vient s'assoir à côté de nous pour prendre des nouvelles de Lucien, et réclamer un quad qui devait semble-t-il arriver aujourd'hui. Mon réalisateur le congédie poliment, en lui demandant de repasser plus tard dans la soirée.
-C'était qui ? je demande une fois que l'homme est parti.
-Un cousin. T'as l'air triste, ma poule.
-J'ai perdu mes pouvoirs. Avant je pouvais faire du deltaplane avec un manteau, ou me téléporter. Je pouvais même visiter des mondes parallèles. Maintenant je suis comme tout le monde.
-C'est pas ce que tu voulais ?
Il sourit avec bienveillance, et nous buvons nos bières en regardant quelques filles frotter leurs culs par terre. Il se sent obligé d'ajouter « Bienvenue dans la vie d'adulte », probablement pour faire un bon mot. Et le pire c'est que je ne trouve rien à y redire.
Ce serait prétentieux d'avoir peur de la normalité. Je déteste les gens comme ça. Il faut être abruti pour vouloir être différent des autres.
Je me lève pour aller danser. Je vais me mêler à la foule et fais semblant de connaître les paroles de la chanson qui passe. Je me surprends à pousser des cris inutiles et à sourire pour faire plaisir aux autres.
J'essaye de toutes mes forces de rentrer en transe. Je tente de suivre ce rythme mystérieux et de ne pas me cogner contre les autres danseurs. À vrai dire je ne suis pas très doué.
Lucien vient me rejoindre, hilare. Il me montre quelques pas, et capte immédiatement l'attention autour de lui. Il m'encourage en tapant des mains, avant de retomber dans un fou-rire.
-Comment tu veux être normal si tu bouges comme ça, ma poule ?
J'essaye encore plus fort. La musique reste à apprivoiser, mais je suis patient et je n'ai rien de mieux à faire. Je l'aurai à l'usure.
Et pour commencer je frotte mon cul par terre.

La rue est chaude et compacte. Les murs de la boîte grondent et semblent prêts à s'écrouler sous le poids de la musique.
Je fume normalement. Je songe à tenter à nouveau d'arrêter. Si je le fais je vais encore devenir irascible.
J'observe Lucien de loin. Il explique à son cousin comment se servir du quad posé devant eux. L'engin est neuf et étincelle dans la nuit. Je n'arrive cependant pas à m'y intéresser.
Les gens fument autour de moi avec calme. Si j'arrête je pourrai dire adieu à ces moments de repos au milieu des soirées trop bruyantes. Mais peut-être que le nouveau moi aime le bruit.
Je pose les yeux sur une poubelle de l'autre côté de la rue, et décide de tester mes pouvoirs. Je me convaincs que si je la fixe suffisamment longtemps j'arriverai à lui faire prendre feu. Mon cerveau se met à bouillonner, et inconscient du ridicule de la situation, je tends la main pour mieux diriger l'énergie.
Le sang vient chatouiller l'intérieur de mes doigts crispés, et je jurerai que la poubelle chauffe un peu. J'aperçois du coin de l'œil le cousin de Lucien qui l'interroge du regard à mon sujet, et ce dernier qui lui répond par un geste qui veut certainement dire que je suis un peu allumé.
Un homme ivre vient uriner contre ma poubelle, que j'aurais juré prête à s'enflammer. J'abandonne pour cette fois, mais bizarrement je ne m'avoue pas vaincu. Mes pouvoirs sont plus subtils que ça. Il agissent sur le cours même des choses.
Par exemple, la scène du mec qui fume tout seul à la sortie d'une boîte manque de rebondissements. Un personnage va certainement faire son apparition, et bouleverser le héros.
Je fixe intensément le bout de la rue, m'attendant à voir débarquer Roger ou Martine au tournant. J'espère que ce sera Martine. Peut-être qu'en me concentrant suffisamment...
Je finis ma cigarette sans que personne n'ai montré le bout de son nez. J'essaye, putain, je fais que ça. Mais la rue reste vide et mes forces s'amenuisent, qu'est-ce que j'y peux ?
Je ferme les yeux pour aller me reposer quelques secondes dans mon monde intérieur. Mais rien n'apparaît, ni gobelin ni chevalier. Je suis seul et sans inspiration. Plus rien de dingue ne peut arriver maintenant.
Le cousin de Lucien passe lentement devant moi en chevauchant son quad rutilant. Son allure est lente et zigzaguante. Il répète sans cesse « Oh putain » en tentant de garder son guidon droit. Pourtant je pourrais le dépasser en marchant un peu vite.
Lentement mais surement, il va encastrer son véhicule dans un panneau de signalisation, se hurlant à lui-même de freiner, sans succès. Le moteur du quad s'arrête après avoir reçu le choc. Lucien va rejoindre son cousin d'un air atterré.
-Putain, Selym, dit-il, C'est quand même pas compliqué de savoir où on va.
Parle pour toi. Moi je suis vulnérable avec cette putain de chemise blanche. Si le danger arrive, je ne pourrai sans doute pas m'en dépêtrer comme avant. Pas comme avec un manteau indestructible et un peu d'inspiration.
La vraie vie est plus coriace qu'un écrivain peut l'imaginer. Elle est moins drôle aussi.


Note : Évite de parler de « frotter son cul par terre »

Prochainement : Roger cherche l'imprévu

17 commentaires:

  1. g gagné !! g gagné !!! TROS GENIAL enfin je v avoir le mini quad DINO 90 avec alumage cdi et jante cromé !! priez de l'envoyé à mon adresse : selym MONTCHERRU 3 bis rue de champillon, 02400 GLAND (aisne) je sui tros content !!! en pluss je sui dans lhistoire !! merci davoir fait ce concour !!!

    RépondreSupprimer
  2. C'est pour ce genre de moments que tu m'offres que tu es vraiment mon lecteur préféré Selym...

    RépondreSupprimer
  3. votre blog m'a sévèrement ennuyé car il manque d'images et le texte blanc sur noir esquinte les yeux

    RépondreSupprimer
  4. Le travail est la meilleure chose au monde. Soyez généreux, laissez-le aux autres !

    RépondreSupprimer
  5. "Les enfants sont comme les chiens, ils regardent ce qu'il y a devant eux, c'est tout." (Lambert Wilson)

    RépondreSupprimer
  6. Mais au fond qui es tu Irving Rutherford ? Pourquoi dissimules tu ton véritable nom alors que tu as la prétention de montrer tes écrits au monde entier sur ce blog ? Tu as honte de ton vrai nom hein ? Allez dis-le qu'on rigole un bon coup ! Je suis sûr que c'est un nom riddicule du genre Régis Peaudvache...

    RépondreSupprimer
  7. sayé le quad été envoyer ? répondez stp

    RépondreSupprimer
  8. Je t'en ai envoyé trois, de différentes couleurs. Comme ça tu pourras choisir selon l'humeur du jour.

    RépondreSupprimer
  9. le fait de m'ignorer ne t'empêchera pas de voir un jour la vérité en face, Irving. Tu n'attires que les fanatiques de quad dysorthographiques. Minable.

    RépondreSupprimer
  10. Tu m'habitues vraiment à la qualité car cette nouvelle est passionnante ! J'aime la mise en abîme des gens qui commentent ce blog, et j'ai hâte de retrouver Joell le routier.

    RépondreSupprimer
  11. Cela ne saurait tarder. Quant à toi, chère Pandra, je dois avouer que tu m'avais manqué. Loin de moi l'idée de t'ignorer, je souhaiterais au contraire célébrer ta présence et les débats que tu viens provoquer si intelligemment. Tu as un réel point de vue, et décidément mes sentiments sont de plus en plus forts à ton égard.

    RépondreSupprimer
  12. le quad il sera ressu dans un paké ou dans un camion ?

    RépondreSupprimer
  13. D'abord n'oublie pas qu'il y en a trois. Ensuite tout est arrangé, ils te seront livrés par hélicoptère.

    RépondreSupprimer
  14. bonjour je découvre votre blog et j'aimerais savoir si vous avez sorti des livres sur les plateformes commerciales avec votre véritable nom car je ne trouve rien avec l'entrée 'irving rutherford' ?

    RépondreSupprimer
  15. sur google book j'ai trouvé un livre dont l'auteur est 'irving rutherford' mais est ce que c'est bien vous ? je vous ai fait un lien vers ladite page en cliquant sur mon pseudo.

    RépondreSupprimer
  16. Je n'étais pas né en 1983. Et malheureusement je n'ai encore rien publié.

    RépondreSupprimer
  17. pas né en 1983 ? vous êtes donc très jeune ! qu'attendez-vous de ce blog ? vous feriez mieux d'aller voir les éditeurs avec vos textes imprimés !

    RépondreSupprimer

 
Annuaire Miwim Annuaire blog Blog Paperblog : Les meilleurs actualités issues des blogs visiter l'annuaire blog gratuit Blog Annuaire litterature Blogs Annuaire blogs Blog Annuaire litterature Annuaire de blogs Littérature sur Annuaire Tous les Blogs Blogs / Annuaire de Blogs Annuaire Webmaster g1blog Annuaire blog Rechercher rechercher sur internet plus de visites Moteur Recherche annuaire blog Référencement Gratuit Littérature sur Annuaire Koxin-L Annuaire BlogVirgule Annuaire Net Liens - L'annuaire Internet Annuaire de blogs quoi2neuf Vols Pas Chers Forum musculation hotel pas cher Watch my blog ExploseBlogs Liens Blogs Livres

Ce site est listé dans la catégorie Littérature : Atelier d'écriture en ligne de l'annuaire Seminaire referencement Duffez et Définitions Dicodunet

Votez pour ce site au Weborama