Bienvenue sur mon blog. "Irving Rutherford", c'est mon pseudo, et c'est aussi un roman feuilleton qui paraît tous les mardis. Je sais pas vous, mais moi je déteste les écrivains qui racontent leur vie, même si c'est un peu ce que je fais. Alors du coup j'arrive pas à m'empêcher de rajouter deux ou trois trucs en plus, pour agrémenter le quotidien.
Si c'est votre première visite, je vous invite à lire un épisode ou deux. Chacun peut se lire indépendamment, mais le tout est relié par une continuité, et les vieux épisodes sont gardés dans les archives.
Je souhaite une bonne lecture aux nouveaux lecteurs comme aux habitués.


15 juin 2010

39. Irving est différent


J'ai décidé de revoir un peu mes priorités. J'ai commencé par mettre ma carrière littéraire naissante entre parenthèses, pour pouvoir regarder la télévision toute la journée. Je note les idées qui me viennent sur des bouts de papiers en me disant que je les écrirai le jour où je me remettrai au travail, si tant est que ce jour arrive. La plupart du temps je perds ces bouts de papier.
J'en ai trouvé un ce matin au pied du canapé sur lequel j'ai dormi. J'ai reconnu mon écriture, même si je n'avais aucun souvenir du moment où j'avais pu l'écrire. Sans doute après un réveil en sursaut. Le papier disait « Raconter un truc avec des apaches ». Je l'ai chiffonné et jeté à la poubelle.
Il est tard maintenant, et la journée est passée discrètement. La télévision diffuse un feuilleton australien sur lequel mes amis et moi sommes concentrés, en partie parce notre anglais est un peu rouillé.
Chacun de nous surveille l'heure en attendant les informations du soir. Même si c'est inutile, et que la guerre civile française semble être écartée de l'actualité internationale, nous regardons maintenant le journal tous les soirs. Xavier et Vincent, secrètement, le regardent aussi pour s'assurer que le reste du monde se porte bien, et que leurs copines parties à l'étranger ne sont pas victimes d'un tremblement de terre ou d'une pluie de météorites.
La montre de Vincent sonne, et Xavier zappe sur un journal télévisé. Nous regardons les gros titres pour nous assurer que le monde existe encore, et que la France, elle, n'existe plus. Nous changeons plusieurs fois de chaîne pour recouper les informations.
-Demain je vais essayer de récupérer un lecteur DVD, nous apprend Vincent.
Xavier et moi acquiesçons d'un air satisfait. Les journées deviennent plutôt ennuyeuses ces temps-ci. Nous avons arrêté les cours d'escrime, et mon ami mes fait plus ou moins la gueule depuis que j'ai décidé de mettre un terme à ma vocation d'écrivain-guerrier de façon brutale. « Pour faire quoi ? » m'a-t-il demandé avec froideur.
Une image attire l'attention de Vincent, et il prend la télécommande des mains de Xavier pour augmenter le son. La voix d'un commentateur japonais emplit la pièce, et ne nous est pas d'une grande utilité. À l'écran, nous découvrons une manifestation de ce que nous prenons d'abord pour des naturistes. Puis je comprends ce qui a arrêté le regard de Vincent : Un homme s'avance, nu lui aussi, à la tête de la foule, et je reconnais Sancho le révolutionnaire.
Je remarque alors que la scène se passe à Paris, et que toutes les personnes qui défilent à poil sont plus ou moins armées. Certains portent des foulards sur le visage, et d'autres brandissent des pistolets en l'air en marchant le bassin en avant. Le rire du présentateur japonais ne nous renseigne pas vraiment sur le but de la manifestation.
Xavier donne un coup de coude à Vincent, et lui montre un coin de l'écran. Le moustachu plisse les yeux comme si ça compensais sa myopie, et s'approche de la télévision pour mieux voir. Avec le premier rang des révolutionnaires, l'intimité à l'air comme les autres, se trouve Irving Rutherford. Il marche fièrement un flingue à la main, et nous sommes immédiatement sidérés par un détail.
Mes amis se retournent vers moi avec des yeux écarquillés. Xavier a même la bouche entrouverte, et bégaie, incapable de parler. Je jurerais que Vincent va se mettre à pleurer.
-Il n'a pas de tatouages, dis-je comme s'il s'agissait d'une révélation.
Ils me dissèquent mentalement, comme s'ils me rencontraient pour la première fois. Je déteste cette situation. Je voudrais être un intellectuel, et je fais constamment des efforts pour lutter contre la stupidité. Je n'ai vraiment pas envie de disserter sur certains sujets qui manquent cruellement de profondeur.
-Mec, m'interpelle Xavier, t'as vu la taille de ce truc ? C'est monstrueux !
Je frotte mon visage nerveusement. Je me recroqueville sur moi-même, comme si je cherchais à disparaître entre deux coussins du canapé. Il y a la guerre civile à Paris, j'ai un jumeau maléfique, et je n'arrive plus à écrire. Ce ne sont pas les sujets de conversation qui manquent.
Xavier me pose la main sur l'épaule, et réprime un sourire pour teinter le moment de gravité. Vincent se lance dans une argumentation hasardeuse sur la profondeur de notre amitié, et la nécessité de tout se dire.
-Sérieusement mec. Dis-nous juste « Plus petite » ou « Pareille ».

Ce roman que je veux écrire raconte l'histoire de l'homme qui découvre le remède contre le cancer. C'est un personnage atypique, et l'intrigue a un rythme lent pour mieux mettre en valeur le caractère du héros face aux évènements.
Quand il devient célèbre, et que les gens commencent à lui adresser des milliers de lettres de remerciement, il rayonne. Il est invité à dîner chez les plus grands chefs d'États, et le tout Hollywood. A un moment, il guérit Britney Spears d'un cancer du sein, et tombe amoureux d'elle. Il perd un peu les pédales. Il se met à vivre de manière un peu inconséquente, et ne traite pas Britney avec les égards qu'elle mérite.
Lui qui est si bizarre se met à rentrer dans le rang : Il achète une grosse voiture et adopte un enfant éthiopien, qu'il nomme Léonard, comme son père. Puis il se rend compte qu'il est floué par les grands laboratoires pharmaceutiques, qui commercialisent son remède à des prix exorbitants, et que seuls les riches peuvent se l'offrir.
À la fin du livre, il fait don de sa fortune à un organisme caritatif, et tente de sauver son couple avec Britney. La mort de Léonard, ironiquement emporté par le sida, les rapproche.
Je n'écrirai pas ce roman, parce que le rythme en est vraiment trop lent, et parce qu'au fond je ne sais pas moi-même où je veux en venir.
Cet autre roman que je veux écrire est un roman fantastique. Un jour, un ours se change en homme, et il doit apprendre à vivre avec nous. Il trouve du travail comme apiculteur, s'achète une maison, et fonde une famille. Les gens l'aiment bien même si ses manières restent un peu frustres. Parfois son regard se charge de mélancolie quand il repense aux montagnes dans lesquelles il a grandi.
Dans ces moments-là, il va passer une nuit dans les bois pour se requinquer.
À la fin, il meurt en tant qu'homme, mais l'épitaphe sur sa tombe nous rappelle qu'il n'a jamais véritablement été à l'aise avec sa condition.
Je n'écrirai certainement pas ce roman. Il est trop personnel, et terriblement prétentieux.
Le dernier roman que je veux écrire serait mieux en bande-dessinée. Il parle d'une cité imaginaire gouvernée par des elfes. La cité appartenait auparavant aux orcs, et ces derniers se sont retrouvés asservis. Les elfes sont un peuple sage et prospère : Ils construisent des routes et des écoles.
Nous suivons un jeune héros orc, qui va rejoindre la révolte de son peuple face à l'envahisseur. Par quelques scènes bien senties, la bande dessinée va nous apprendre qu'il ne faut pas se fier aux apparences : Que les elfes maintiennent volontairement les orcs en bas de l'échelle sociale, en leur faisant croire qu'ils ont la possibilité de grimper. C'est une satyre sociale, et je n'ai pas encore trouvé la fin.
Mais je n'écrirai pas cette histoire non plus, parce que je ne sais pas dessiner.
J'ai fini un roman cette nuit. Ce sont les aventures de ce chevalier, Paxton Fettel, qui se bat contre les gobelins. Le fil de l'histoire est un peu décousu, et les scènes de combat un peu répétitives, mais sinon ça va.
J'ai fini le roman cette nuit car il n'y avait vraiment rien à la télé, et que je n'étais pas loin de la fin. J'ai fait une entorse à mon congé sabbatique, et j'ai été jusqu'au bout de l'épopée de Paxton.
Maintenant je suis dans les vapes. Le soleil se lève dehors, et annonce une journée chaude comme jamais. J'ai vidé les stocks d'encre et de papier de Vincent, et j'ai imprimé mon livre, avant de le relier sommairement avec des agrafes. Je ne me suis même pas relu. Je serais prêt à parier que certaines pages ne sont pas dans le bon ordre.
Mes yeux ne se détachent pas de l'objet pendant que je me rase, si bien que j'en arrive à me couper. Je suis ailleurs et vide. J'ai écrit un deuxième roman.
J'ai la satisfaction de savoir que pendant quelques temps, les post-its vont cesser de s'entasser pendant la nuit. Je vais enfin avoir du temps pour apprendre à dessiner.
Je pose le rasoir et me rince le visage. Le miroir a l'air de me demander si je pense vraiment que mon plan va marcher. Il reflète mes tatouages comme des preuves de mon existence propre, et je passe ma main sur la cicatrice ronde qui barre l'un d'eux en changeant son sens. J'enfile un caleçon, et me glisse à tâtons dans la chambre de Xavier pour ne pas le réveiller. Mon ami, qui d'habitude a le sommeil lourd et les ronflements tonitruants, sort du sommeil instantanément.
-Qu'est-ce que tu fais ? me demande-t-il.
-Je voulais te dire...
Je réfléchis à ma réponse, parce qu'au fond je ne voulais rien lui dire. Je déambule jusqu'au placard, et attrape un costard, une chemise, et des chaussures.
-Plus petite, dis-je parce que c'est la première chose qui me passe par la tête.
-Petite ?
-Pas « petite ». Juste plus petite.
Xavier se rendort avec un sourire ironique aux lèvres, et je réalise que pour une fois il n'a rien compris à rien. Je sors de la chambre et m'habille dans le salon.
Je décide de ne pas retourner me regarder dans le miroir, parce que je risquerai de renoncer à mes résolutions. Je me convaincs que je ressemble maintenant à s'y méprendre à Irving Rutherford.
J'attrape mon roman, comme pour me rassurer. Je descend dans la rue avec, pensant sans doute sortir armé. Mais en vérité j'ai juste besoin de le garder avec moi pour me donner du courage.
Un groupe de jeunes révolutionnaires passe un peu plus loin sur le boulevard. Ils vont torses nus, et se sont dessiné des peintures de guerres sur le visage. Il me font penser à des apaches.
Je prends une grande inspiration, et vais à leur rencontre. J'essaye d'adopter une démarche pleine d'assurance, et le roman que je trimballe avec moi m'y aide un peu. Je me demande comment Irving fait pour porter des costards en été. À peine ai-je fait quelques pas au soleil que je ruisselle déjà de sueur.
Tout est limpide, c'est juste moi qui ait du mal à appréhender certains trucs. Je vais faire des efforts, et chaque jour sera d'or.


Note : Retenir les idées de romans

Prochainement : Vincent est un voyeur

2 commentaires:

  1. Hey

    Première visite ici, j'ai lu les trois derniers épisodes (dont celui-ci), et ... j'adore !

    Donc à ma prochaine visite, je prendrai tout depuis le début.

    En tout cas, tu as un vrai style et du rythme, du genre que j'aime. =)

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  2. Enfin le niveau remonte. Les dernières nouvelles n'étaient pas fameuses.

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