Bienvenue sur mon blog. "Irving Rutherford", c'est mon pseudo, et c'est aussi un roman feuilleton qui paraît tous les mardis. Je sais pas vous, mais moi je déteste les écrivains qui racontent leur vie, même si c'est un peu ce que je fais. Alors du coup j'arrive pas à m'empêcher de rajouter deux ou trois trucs en plus, pour agrémenter le quotidien.
Si c'est votre première visite, je vous invite à lire un épisode ou deux. Chacun peut se lire indépendamment, mais le tout est relié par une continuité, et les vieux épisodes sont gardés dans les archives.
Je souhaite une bonne lecture aux nouveaux lecteurs comme aux habitués.


6 juillet 2010

42. Dieu rejoint la grève


Un « Putain » involontaire m'échappe, tandis que je glisse sur un petit tas d'algues et que je me ramasse sur le sable. Je lâche mes chaussures et mon t-shirt que je tenais dans ma main, pour tenter de me rattraper. Me rattraper à quoi ?
Les minuscules particules de roche viennent coller à ma peau. Le ciel est tellement bleu et immense qu'il me donne mal à la tête.
Je me relève et tente d'enlever par moi-même le sable qui recouvre l'envers de mon corps, mais mes mains sont encore plus moites que mon dos, et ne se révèlent pas d'une grande efficacité. Je décide d'abandonner et poursuis mon chemin sur la grève.
La plage est lourde et brûlante. Les algues sèchent au soleil jusqu'à devenir friables, et les chars à voile évitent d'affronter la fournaise aujourd'hui. Ma région de naissance n'est pas de taille à supporter une telle vague de chaleur. Elle aime les rafales, les demi-teintes, le vert de la mer...
Je monte sur les dunes, là où le sable chauffe moins les pieds. Il n'y a pas le moindre souffle de vent pour faire frémir les herbes hautes. Je m'assois et observe quelques minutes la marée monter.
Ce ne sont pas les coquillages qui vont se révolter. Ce ne sont pas les mouettes qui s'entretuent. J'aime les journées à la plage, parce que ce sont simplement des journées à la plage.
Je m'allume une cigarette, et je réalise avec amusement que j'ai l'impression d'être en vacances. Le calme du remous et la chape du ciel m'induisent en erreur, et me font oublier le monde à feu et à sang que j'ai traversé avant d'arriver jusqu'au rivage.
Les ferrys pour l'Angleterre ont disparu, et paradoxalement ils ne m'ont jamais paru aussi inutiles. Si je veux vraiment quitter la France, je peux même le faire à la nage. Je retire les vêtements qu'il me reste, et savoure quelques instants l'air sur ma peau et l'impression que la plage m'appartient. Je dévale les dunes en courant comme un enfant, criant des insultes en direction de tout ce qui se trouve derrière moi.
Je heurte presque l'eau. Elle est froide et combative, mais je m'arme de courage et passe par dessus quelques vagues. Très vite je perds pied. Je commence à nager tranquillement, me disant que le voyage risque d'être long, et que je pourrais répéter mon anglais pour m'occuper.
Tu ne vas pas vraiment le faire, tu le sais.
Je me mets à faire la planche, et laisse les vagues se charger de me ramener à bon port. Car après tout je n'ai parcouru que quelques dizaines de mètres avant de réaliser que je ne sais vraiment pas de quoi j'ai envie.
Un nouveau tatouage, bien sûr. La fin du règne du mal, et le début d'une nouvelle collection de bandes dessinées. Peut-être le retour de Martine.
Une fois que je retrouve pied, je me hâte de rentrer me réfugier dans les dunes. L'air est si chaud que je sèche presque instantanément. À côté de mes vêtements m'attend une vieille connaissance.
Difficile de rater une personne qui mesure plus de cent mètres. Même s'il est assis en tailleur, le géant barbu fait de l'ombre jusqu'à la mer. Quand il me voit revenir vers lui en souriant, Dieu prend un air biblique dont il a le secret :
-Misérable mortel, clame-t-il, comment oses-tu troubler ma quiétude ?
-J'étais là avant.
Je pense que si je n'étais pas tout nu, il me saisirait pour m'expédier au loin. Mais la pudeur l'en empêche sans doute. Je vais m'assoir à côté de lui, dans la fraîcheur de son ombre, et m'allume une autre cigarette. Il ouvre la bouche, prêt à parler, puis se ravise. Je lui demande comment s'est passé sa croisade contre la France, par politesse. Il me cite plusieurs villes qu'il a détruites d'un air las, et j'ai le sentiment qu'il est venu parce qu'il voulait me parler.
-Je suis déçu, me confie-t-il.
-Par quoi ?
-La mentalité française. On dirait que vous vous en foutez que je casse tout.
-On a pas mal de trucs qui nous occupent. Et on se détruit déjà tous seuls.
Il contemple mes cicatrices, comme pour évaluer ma sincérité. Je lui proposerais bien une cigarette, mais j'ai peur qu'il ne l'écrase entre ses doigts grands comme moi. J'allonge mes jambes dans le sable, pensant que je vais encore transpirer et m'en retrouver couvert, et qu'il faudra retourner me baigner.
L'ombre de Dieu ne suffit pas. La fournaise est intense, mais je trouverais déplacé de demander au géant barbu de baisser la température. Les mouettes au loin, désorientées, décrivent des cercles approximatifs, effectuant un ballet absurde. L'horizon ressemble à une collision entre deux bleus incompatibles. La marée est beaucoup plus haute, maintenant. Elle effleure les premiers tas d'algues qu'elle a laissé derrière elle hier, et ces dernières prennent une couleur plus foncée.
-C'est quand même un putain de monde que t'as créé là, dis-je avec admiration.
-Et encore, t'as pas vu Mars du temps de sa splendeur...
Je sens une pointe de dépit dans sa voix. C'est vrai qu'on peut pas réussir tout ce qu'on fait, et peut-être que Dieu lui-même fait partie de l'armée des perdants. Je lui demande s'il ne peut rien faire pour arranger les choses, et il me jette un regard intrigué, avant d'embrasser le paysage brûlant d'un geste ample.
-C'est un premier jet, explique-t-il.
-Alors faut le retravailler, au lieu de tout démolir.
C'est moi qui ai dit ça ? Dieu hausse les épaules, et rétorque qu'il n'a pas l'intention de détruire Paris, ni même le patelin où habitent mes deux parents, si c'est ce à quoi je pense. Je lui précise que c'était une remarque désintéressée, et lui demande ce qu'il compte faire maintenant.
-Je vais continuer à tout péter, un peu. Ensuite je voudrais apprendre le saxophone.
-C'est cool.
Je frotte mes jambes pour en faire partir le sable, et passe un caleçon en apercevant un promeneur au loin qui vient dans notre direction. Dieu m'annonce qu'il est temps pour lui de repartir. Je le supplie de rester, de prendre un repos mérité, d'aller faire un bain de pieds. Mais il se lève et réajuste sa toge.
-Alors accorde-moi au moins un souhait !
-Tu t'es cru dans Aladin ? éructe-t-il. Vous me devez quelque chose, pas le contraire !
Je m'excuse de l'avoir froissé, et précise que ce que je veux est une broutille pour lui, que je désire simplement qu'il me rende mes tatouages. Il m'inspecte de la tête aux pieds, et me demande de faire un tour sur moi-même. Les plaies qu'Irving m'a faites sont à peine refermées, et ma peau est parsemée d'aspérités rosâtres.
-C'est toi, dit-il. Tu es la somme de tout ça. Faut pas avoir peur des nouveaux départs.
-Ton fils, lui, il m'aurait guéri.
-Ta gueule.
Il repart de son pas qui fait trembler le sol, vers l'intérieur des terres. Il se retourne pour me faire un clin d'œil, en se frottant les côtes, et reprend sa route. Il disparaît très vite de mon champ de vision. Pas étonnant quand on voit les enjambées de bâtard dont il est est capable.
Je regarde le dernier tatouages qu'il me reste, juste pour confirmer ce que je pense avoir compris. Là, sur mes côtes, Dieu a corrigé une faute d'orthographe. On peut maintenant lire en toutes lettres « Chaque jour sera d'or ».
Je souris comme un gamin, avant de me retourner vers le promeneur que j'ai aperçu tout à l'heure, qui n'est autre que Xavier. Il arrive en trottinant, ruisselant de sueur, vêtu d'un débardeur fluo et d'un short de sport trop petit.
Ce matin mon ami a décidé qu'il allait profiter de son retour à la campagne pour reprendre le footing, comme au lycée. Il a manifestement oublié qu'entretemps il s'est mis à fumer deux bons paquets par jour.
Arrivé à ma hauteur, il fait une halte pour cracher ses poumons. Son visage est écarlate et un testicule dépasse de son short minuscule. Il tousse, crache un glaire, et réprime un renvoi.
-Encore à moitié à poil, articule-t-il entre deux respirations bruyantes.
-Tu peux parler, avec ton short...
-C'était dans ton placard alors ferme ta gueule.
-Je le portais quand j'avais douze ans.
Je me rhabille pendant qu'il finit d'agoniser. Je lui demande s'il est allé loin et il m'ordonne de ne plus ouvrir la bouche avant qu'on soit rentrés chez ma mère.
La marée n'a pas bougé, et j'aurais presque envie de rester ici jusqu'à ce soir, juste pour la regarder monter. Xavier range son testicule avec humeur, et prend le chemin de la voiture. Je le suis à travers les dunes, omettant délibérément de lui dire qu'il prend la mauvaise direction, histoire de profiter un peu plus longtemps de ma journée à la plage.


Note : Toujours les histoires de couilles...

Prochainement : Xavier n'est rien sans moi

1 commentaire:

  1. Dieu est-il vraiment barbu ? Comme cet autre personnage de vos nouvelles, vincent ? Ou bien Vincent serait il Dieu a vos yeux ? Ce serait très interressant. Vincent doit être Dieu.

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