Bienvenue sur mon blog. "Irving Rutherford", c'est mon pseudo, et c'est aussi un roman feuilleton qui paraît tous les mardis. Je sais pas vous, mais moi je déteste les écrivains qui racontent leur vie, même si c'est un peu ce que je fais. Alors du coup j'arrive pas à m'empêcher de rajouter deux ou trois trucs en plus, pour agrémenter le quotidien.
Si c'est votre première visite, je vous invite à lire un épisode ou deux. Chacun peut se lire indépendamment, mais le tout est relié par une continuité, et les vieux épisodes sont gardés dans les archives.
Je souhaite une bonne lecture aux nouveaux lecteurs comme aux habitués.


1 septembre 2010

50. Seul en piste (1)


Le nord m'appelle, sans que je sache pourquoi. Ça fait quelques temps déjà que je ne prends plus de décisions réfléchies. Je me dirige simplement en direction des bombardements, en quête du champ de bataille où les choses importantes se passent.
L'épée à la main et la peur au ventre, j'avance inexorablement vers la Seine, à la recherche d'un sens à donner à mes actions. Rien de ce que j'ai vécu jusqu'ici n'a réussi à me mettre sur la bonne voie, ni même sur une voie quelconque.
Je suis le chômeur qui t'emmerde. Je suis l'électeur qui ne vote jamais pour celui qui se fait élire. Je prends des crédits sur trente ans, et j'espère un monde meilleur sans pour autant ériger des barricades. L'armée des perdants est composée de fantassins maladroits et peu convaincus.
Enfin merde, quand est-ce qu'on y arrivera ? Je suis pas plus impatient qu'un autre, mais ça commence à bien faire. Il faudrait peut-être faire quelque chose de nos vies.
La fumée a envahi la ville, et me cache le ciel. Les incendies autour de moi ne produisent plus que de la noirceur, parce que tout a déjà brûlé. Je me dis que si j'atteins la Seine j'y verrai un peu plus clair.
Je remonte le boulevard en ignorant les protestations des bâtiments, et les pans de murs qui s'écroulent. Je ne suis pas revenu pour faire du tourisme. J'ai un fils de pute à descendre, et j'en viendrai à bout même si c'est la seule chose bien que je dois accomplir dans ma vie.
De ma faute ?
La ville tremble comme après un long hiver. La fumée est suffocante, et je me fie au trottoir que je longe pour m'emmener vers des jours meilleurs. Je range mon épée dans son fourreau, pour ne plus avoir l'air du connard qui fonce sabre au clair, sans réfléchir.
Peut-être que c'est à ce moment, quand je me préoccupe de la manière dont je fais les choses plutôt que pourquoi je les fais, que je suis plus écrivain que je ne l'ai jamais été. Ou peut-être pas.
Je débouche enfin sur la Seine, et obtiens une vue un peu plus dégagée. Des avions sillonnent l'altitude comme des harpies, trop hauts pour qu'on ne les entendent. Ils larguent ça et là des feux d'artifices qui n'émerveillent personne. Un régiment d'hélicoptères arrive par l'ouest, longeant le fleuve et dissipant la fumée.
Ils semblent écarter les nuages bas qui jalonnent les toits des immeubles, et viennent cracher sur le Pont Royal des hordes de soldats. Des lianes jaillissent des engins, du long desquelles se laissent glisser les hommes. A peine ont-ils touché le sol que chacun va déjà poser des sortes de petits transistors aux quatre coins du pont.
Puis, abandonnée par ses anges d'acier qui s'en retournent déjà par là où ils sont venus, la petite troupe déserte le pont en quatrième vitesse, se réfugiant de l'autre côté de la rive. J'aperçois vaguement une silhouette au loin qui déballe une petite mallette, et appuie sur un bouton si gros que j'arrive à la distinguer malgré la distance.
Je murmure un « Non » étouffé.
Le Pont Royal explose de part en part, projetant des débris de pierre si haut dans le ciel qu'ils semblent y rester suspendus. Puis une pluie de pierre s'abat dans la Seine, et un peu sur la rive aussi. Des colonnes d'eau se dressent pour s'écrouler immédiatement.
Les militaires sont déjà rentrés dans le Jardin des Tuileries. Je me mets à courir le long du quai, pour rejoindre la passerelle piétons quelques centaines de mètres plus loin. Franchement, s'il faut pas être con, vu le nombre de ponts qu'il y a à Paris, d'en faire sauter qu'un seul.
Je commence à entendre des coups de feu venant d'en face. Je m'engouffre sur la passerelle à toute allure, la main sur le pommeau de l'épée, persuadé comme un abruti que c'est mon heure.
Dans les Tuileries la bataille fait rage. La plupart des révolutionnaires qui font face à l'armée ont le visage masqué ou cagoulé à cause de la fumée environnante. Des cocktails molotovs répondent aux grenades militaires, et ils mesurent leurs fusils de chasse aux mitraillettes.
Je me fous de savoir qui va gagner la bataille. En me faufilant derrière une haie, je scrute le champ de bataille du regard, à la recherche d'Irving Rutherford. Je cherche le dragon à pourfendre qui fera de moi un véritable chevalier.
Aucun des deux camps ne gagne du terrain. C'est une bataille qui n'a rien de mythique ou de grandiose. Elle est vieille comme le monde, et continuera encore des millénaires. Ce n'est jamais sur le terrain que les guerres se jouent.
J'aperçois Sancho qui charge à la tête d'une colonne. Ses homme le suivent en criant, avec une confiance effrayante, et viennent grossir les rangs des guérilleros de fortune. Les militaires font grise mine, et cèdent mine de rien quelques pouces de terrain. Il n'en faut pas plus pour que la bataille penche définitivement en faveur des indisciplinés.
Je sors de ma cachette, et dégaine mon épée. Je fends la fumée pour aller à la rencontre du confrère d'Irving Rutherford. Je pousse les personnes sur mon passage, hésitant à donner des coups d'épée, mais préférant la réserver pour Sancho.
Quand j'arrive à hauteur de ce dernier, sans qu'il m'ait remarqué, je brandis ma lame en m'apprêtant à l'abattre sur son crâne. Une rafale de balle vient le faucher au niveau de l'abdomen avant que j'ai eu le temps de frapper, et il s'écroule sans un cri.
L'air est trop opaque, et la situation trop folle pour que ses compatriote ne l'aient remarqué. Je m'agenouille près de lui, et lui colle de grandes claques pour l'obliger à se concentrer sur moi plutôt que sur les flots de sang qui s'échappent de lui.
-Qu'est-ce que tu fais là, Irving ? me demande-t-il avec un sourire réprobateur.
-Je suis pas Irving. Où est-il ?
-Irving c'est Irving. Il est comme ça. T'es l'écrivain raté ? Tu lui ressembles.
-C'est lui qui me ressemble.
-Où est Irving ?
-C'est ce que je veux savoir.
Il lève un pistolet vers mon visage, mais sa main est si tremblante, et son bras si mou, qu'il me manque de vingt bons centimètres lorsqu'il tire. Le bruit de la détonation m'assourdit quelques instants, et Sancho en profite pour me dire où se cache Irving Rutherford.
Depuis peu, l'écrivain guerrier sait lire sur les lèvres, mais je ne crois pas vraiment ce que je lis. Je comprends une insulte que j'oublie instantanément, et un lieu : La maison de la Radio. Quand je demande au révolutionnaire pourquoi Irving ne charge pas aux côtés de ses troupes, il a une moue de dégout.
-C'est un sous-fifre, m'informe-t-il. Il fait ce que je lui demande.
-L'histoire retiendra son nom. Je le sais de source sûre.
-C'est moi le chef, agonise-t-il.
-Plus maintenant.
Je vois ses yeux se recouvrir d'un voile incolore et pourtant chargé d'un foisonnement d'images. J'essaye de me convaincre que si j'ai gâché ses derniers instants, c'est qu'il le méritait. Les bruits de coups de feu se font brusquement plus rares, et l'armée semble en déroute face aux rebelles. Encore un martyr de la révolution de mes couilles.
Je me relève pour avoir une meilleure perspective. Je remarque alors que les militaires ne sont pas les seuls à fuir. Les révolutionnaires, que j'avais pris pour leurs poursuivants, sont eux aussi effrayés et pressés de s'échapper des Tuileries.
Je me retourne avec appréhension, et vois se dessiner dans la brume du combat la silhouette d'un reptile géant qui glisse pourtant silencieusement sur le sol. Sa langue siffle comme un couteau qu'on aiguise. Pire que l'anaconda de dix mètres que j'ai vu dans un film d'horreur : Le Serpent-Monde.
-Je suis Jörmungand ! hurle-t-il. Je vous mangerai !
J'ai autre chose à faire que d'écouter ces conneries. Je ne suis même pas sûr que ça soit vraiment en train d'arriver. Prenant mon élan, je fonce sur lui tête baissée, la pointe de mon épée raclant le sol.
Il pousse un sifflement strident qui me fait presque lâcher prise. D'une ondulation brusque, il projette ses crocs vers moi, prêts à se refermer. Mais je n'ai pas fait tout ce chemin pour me faire bouffer comme un mulot.
Je relève soudainement mon épée, sans cesser de courir. Je me précipite vers sa gueule ouverte et y plante ma lame. L'épée se met à rougir et fumer au contact du serpent géant, qui se tord de douleur. Mon arme magique fait le bruit d'une cocotte minute oubliée sur le feu, et couvre les hurlements du reptile.
Finalement, l'épée explose, et sa tête avec. Une giclée gigantesque de bouillie nauséabonde et verdâtre m'asperge tout entier. Le corps décapité de Jörmungand s'écroule, inerte.
Et évidemment, personne n'a assisté à cela.
Je fais neuf pas avant de m'écrouler. Je me recroqueville sur moi même, pétri d'angoisses et de regrets, et pas mal incrédule. J'ai envie de me compresser jusqu'à ne puis exister. De rester là et de ne pas insister comme je le fais toujours.
Une main se pose sur mon épaule. Je la repousse d'abord, puis une voix familière m'oblige à lever la tête :
-Tu as besoin de mon aide.
Xavier est debout à côté de moi. Il est engoncé dans une tenue de cosmonaute, et j'espère un instant qu'il soit venu m'annoncer s'être fait passer pour mort pour aller mener une mission secrète dans l'espace.
Mais il n'en est rien, et je sens même que je vais me mettre à chialer. Mon ami décédé m'explique avec le plus grand sérieux qu'il vient du futur, d'un futur où je suis devenu un grand écrivain, et qu'il est venu m'aider à me débarrasser d'Irving Rutherford.
J'éclate littéralement en sanglots. Je me recroqueville à nouveau, déversant des torrents de larmes rageuses contre moi-même, et contre ce putain de futur qui s'éloigne, se rapproche, fait des allers-retours, et me file la gerbe.
Xavier m'observe avec circonspection, et me demande poliment pourquoi je pleure. Je lui réponds la voix chevrotante qu'il me rappelle quelqu'un, avant de m'en retourner à mes sanglots.
La tristesse qui m'étreint n'a pas de fond, c'est une chute libre sans parachute qui dure des heures, des années. Je pleure comme jamais, et je ne pleurerai plus jamais comme ça. Je suis malheureux comme peut l'être quelqu'un avec des vrais problèmes.


Partie 1

4 commentaires:

  1. Un écrivain, ce n'est pas quelqu'un qui écrit, c'est quelqu'un qui réécrit.

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  2. agent technique blogspot7 septembre 2010 à 16:34

    vous devriez remettre en cause la forme de votre blog car c'est selon moi la raison du nombre réduit de visiteurs. cordialement.

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  3. Bonjour,

    Je m'appelle Marie-Rose et je fais partie du site Confidentielles,

    nous avons besoin de personnes pour faire partie d'un Jury sur la littérature,

    je sais que tu es fan de lecture et j'aimerais que tu en fasses partie.


    Merci de ta réponse,

    A très bientôt,

    Marie-Rose
    marie-rose@confidentielles.com

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  4. hi,, i like to visit this site,, have a nice day :)

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