13 novembre 2009
04. Vincent me casse la gueule
- Je te pisse dessus, je te chie dans la raie, je te bouffe la nouille. Et tu te relèves pas.
Et sur ces mots, Vincent me décoche un coup de pied retourné en pleine face. Je tente de me protéger avec mes avant-bras mais il passe ma défense. Je contrattaque avec un uppercut, qu’il esquive. Une rage sourde, un besoin irrépressible de lui éclater la gueule monte en moi comme un geyser de bile.
Je frappe à l’aveugle, de toutes mes forces, avec mes pieds et mes poings, mais il esquive ou encaisse chacun de mes coups. Puis il attrape mon bras et effectue une prise de son jujitsu de merde.
Je martèle frénétiquement la touche de ma manette qui commande le mode «protection», mais le gros noir balèze, mon alter ego dans le jeu, plie sous les coups. C’est plus fort que moi, il faut toujours que je choisisse le plus costaud, jamais le plus fort. Mais Vincent a lui aussi un personnage attitré.
-Tu choisis toujours le putain de chinois, dis-je.
-Je choisis celui que je maîtrise le mieux, répond-il.
C’est ce que je croyais avoir fait moi-même, mais un «dragon fist» finit par étendre le gros noir balèze. Je pose la manette et tente de me calmer. A l’écran, le chinois commence à effectuer une sorte de danse de la victoire, faite de démonstrations de prises de jujitsu et de ce qui s’apparente à du disco. Vincent allume une cigarette d’un air de vainqueur et me souffle sa fumée au visage.
-Dans la vraie vie je te défonce, dis-je sans desserrer les mâchoires.
Il objecte que dans la vraie vie il est le seul qui sait se battre. Il ajoute que mon problème dans la vie, c’est que je ne suis doué pour rien. Pendant que je vais ouvrir la fenêtre, il envoie un texto à Xavier pour lui faire part de sa victoire, en précisant bien qu’il m’a battu «avec le chinois».
Je vais arriver en retard au travail. Je m’assois sur le rebord de la fenêtre et laisse les rayons bas du soleil réchauffer mon corps et détendre mes muscles. Les voitures qui passent me portent, m’emmènent visiter la ville, et admirer les ombres chinoises aux rideaux des immeubles.
En me retournant vers Vincent, je constate qu’il est en train de me montrer ses fesses. Il met des petites claques dessus, et j’ai subitement du mal à garder mon sérieux. J’attrape ma veste et l’enfile en feignant de l’ignorer.
-En fait, conclut-il, c’est pas que tu soies doué pour rien, c’est juste que je suis meilleur que toi partout.
-Partout?
-Sauf quand il s’agit de se faire enculer, alors là c’est toi le meilleur. N’empêche qu’avec un peu d’entraînement, moi aussi je peux devenir écrivain.
J’enfile mes chaussures en murmurant que je voudrais bien voir ça, et ma remarque semble lui faire de la peine. Redevenu sérieux, il objecte que je passe mon temps à le rabaisser.
" ...Vincent comprit alors que le seul moyen de se débarrasser du gros pédé était d’empoisonner son corps avec des excréments.
«Je vais lui dévisser la tête et lui chier dans le cou» pensa-t-il. Et c’est exactement ce qu’il fit. Il attrapa la tête du salopard déviant et commença à la faire tourner, jusqu’à ce que sa colonne vertébrale craque. Puis il tourna encore afin d’arracher les ligaments, et envoya la tête rouler plus loin comme on se débarrasse d’un bouchon.
Avec un rire démoniaque, il entreprit ensuite de baisser son pantalon, et déféqua de toutes ses forces dans la trachée du cadavre, laissée à l’air libre. Le cri bestial qu’il poussa fit fuir tous les animaux de la forêt."
Atterré, je regarde furtivement Vincent, dont les yeux sont fixés sur moi, attendant ma réaction. Son petit sourire en coin trahit une jubilation intérieure.
-Je l’ai mis sur internet et j’ai fait comme si c’était toi qui l’avait écrit, pouffe-t-il en se caressant la moustache d’un air satisfait. Ca t’apprendra à écrire des trucs sur moi où je passe pour un con.
Je me prends la tête dans les mains et serre à l’en faire exploser. Que Vincent écrive des nouvelles dans lesquelles il me chie dans le cou n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le truc c’est qu’on ne peut pas s’attaquer à lui, parce qu’il est complètement taré. Si tu lui accroches un poisson d’avril dans le dos, il va mettre un rat mort dans ton lit. Et il pense sincèrement que ce qu’il fait est juste.
J’essaye de penser à autre chose, de me convaincre que les fissures au plafond, les traces d’anciens posters sur les murs, et même le bruit de la télé dans la pièce d’à côté sont plus importants. Plus importants que les battements de mon cœur qui partent en couille, que mon envie de tout casser. Plus importants que Vincent qui attrape une bande dessinée qui dépasse de mon sac et menace de la brûler avec un briquet.
Il finit par s’arrêter quand il s’aperçoit que ma tête reste dans mes mains et que je ne trouve pas la force de la relever. Il me demande ce que j’ai, et je suis bien incapable de lui répondre, ce qui ne fait que l’inquiéter un peu plus.
Il met la main sur mon épaule et je le repousse avec un geste un peu trop violent. Il se décide alors à mettre le feu à ma bédé.
Je me lève et l’attrape par le col, pour le plaquer contre le mur. Il rit un peu, me demandant si j’ai vu ça dans un film. Puis, réalisant que je ne compte pas le lâcher, il me repousse violemment.
Je fonce la tête la première contre sa poitrine, et il étouffe un cri de douleur, avant de me repousser à nouveau, d’un coup de pied cette fois. Je tente un coup de poing, qu’il esquive. J’ai l’impression que tous les muscles de mon corps ont doublé de volume, mais c’est peut-être dû au fait que Vincent n’est pas très épais.
Je continue maladroitement d’essayer de le frapper, mais il esquive tous mes coups. Il me crie de m’arrêter parce qu’il risque de me défoncer, et je lui hurle de fermer sa putain de gueule. J’arrive finalement à placer un coup de poing, ce qui le met dans une rage folle.
On est pas dans un jeu vidéo. Il est hors de question que je perde face à un mec moins costaud que moi.
D’un coup de pied que je ne vois pas venir, il m’éclate le tibia, avant d’enchaîner par un coup de boule en plein visage. Je m’écroule pour un moment.
-Te relève pas, me supplie-t-il.
Il y a une pointe de pitié dans sa voix, et c’est sans doute pourquoi je n’en fais qu’à ma tête et retourne au front.
Je sais très bien que ce n’est pas vraiment sur Vincent que je tape, mais ce que je ne sais pas, c’est sur qui je tape exactement. Mon adversaire est plus rapide et plus habitué des combats, et après quelques frappes au ventre, il m’étale de nouveau.
-Tu te relèves pas! hurle-t-il.
Sans que je ne m’en rende compte, il a cessé de vouloir me préserver. Je n’arrive pas à m’empêcher de penser que c’est une bonne chose, parce qu’on avance pas si les autres retiennent leurs coups.
J’essaye de choper ses jambes, mais il m’écrase la main d’un coup de talon. Il commence à me donner des coups de pieds, furieusement, et je sens mes côtes se fêler. Il répète «Tu te relèves pas!» en boucle comme un possédé, et je commence à me dire que je l’ai vraiment énervé.
Je finis par arriver à agripper sa jambe et le fais tomber. Il attrape son casque de moto et me donne un coup sur le sommet du crâne. Mon unique avantage dans ce duel c’est que j’ai la tête dure. Malgré la violence du choc, je persiste à taper sur lui de toutes mes forces.
Il met fin à notre affrontement en m’écrasant le casque sur la mâchoire. Je roule sur le côté et prend mon visage dans mes mains, foudroyé, tiraillé par la douleur fulgurante. Mon environnement se brouille et une ombre noire se met à obscurcir ma vision. Le sang remplit ma bouche, et je peine à respirer. J’ai l’impression que si je lâche ma mâchoire elle va tomber.
Vincent se relève et m’observe m’étouffer dans mon propre sang. Je crache un bon coup, et remarque qu’une de mes dents part avec le molard.
-Tu te relèves pas, soupire Vincent à bout de force.
Il s’assoit par terre et commence à pleurer silencieusement. Le casque de moto glisse de ses mains et roule quelques secondes sur le sol. Ses yeux fixent le parquet sans osciller, tandis que ma respiration revient peu à peu.
-Je suis dangereux, sanglote-t-il.
Je pousse un éclat de rire, douloureux car mes côtes me font mal. Mais ça ne le réconforte pas vraiment. La vérité c’est que rien ne va jamais mieux, et que je n’arrive pas à encaisser. Je n’aurais jamais dû arrêter de fumer, parce qu’en ce moment la seule souffrance c’est de ne pas avoir de cigarette.
J’attrape le plateau avec les deux kebabs et vais rejoindre Vincent qui s’est installé à l’une des tables du fond de la salle. Il suit d’un œil distrait un match à la télé, et ne se retourne pas vers moi quand je lui mets le plateau sous le nez.
-Je croyais que t’aimais pas le foot?
Il ne répond pas, et commence à manger son kebab en silence. Je jette un œil à la télé qui surplombe la salle. Un joueur hors de lui déverse sa rage sur l’arbitre, mais sans le son je ne comprends pas bien ce qu’ils se disent. Les gens autour de nous semblent passionnés par ce jeu étrange.
Et comme il est hors de question que Vincent et moi parlions de ce qui s’est passé, et qu’il est hors de question que nous ne soyons plus amis, nous regardons ensemble un sport que nous n’aimons pas vraiment en mangeant de la merde.
Les minutes passent, vingt deux connards courent après un ballon pendant que nous avalons du ketchup et de la mayonnaise tiède. Un homme rentre un ballon dans un rectangle de métal, et reçoit des acclamations. Les cris de joie ricochent sur mon ami et moi, qui sommes trop occupés à montrer au monde à quel point nous sommes malheureux.
Les effluves de viande et de cuisiniers puants semblent couper l’appétit à Vincent. Je lui dirais bien d’aller se faire enculer et de me faire un câlin, mais j’ai peur qu’il me traite encore de pédé. Avec un frémissement de sourire, il me laisse ses frites, et je m’empresse de les décimer.
-Il faut que tu fasses quelque chose, finit-il par dire d’un air concerné.
-A propos de quoi?
-Vraiment.
Ses yeux se confrontent aux miens, et les frites que j’engouffre sont une bonne excuse pour me taire. De toute manière je n’ai vraiment aucune réplique choc qui me vient à l’esprit. C’est vrai qu’il faut que je fasse quelque chose, mais ça ne fait jamais plaisir de l’entendre.
Le match de foot prend fin, et Vincent me demande d’accélérer la cadence. Au risque de vomir, je fourre le reste de frites dans ma bouche, et nous sortons de cet enfer dans lequel nous échouons trop souvent.
Le truc c’est qu’on fait toujours les mauvais choix, et qu’on passe notre temps à les rattraper. Lui et moi ne reparlerons jamais de l’affrontement, et j’en écrirai peut-être une nouvelle.
Pour l’instant lui enfile une écharpe, et moi un bonnet, parce que l’automne ne nous fait décidément pas de cadeaux. Je fais des efforts pour ne pas boiter en marchant. Et en nous éloignant du kebab, mon ami me demande si je sais ce qui se passe quand on tape «foutre» dans Google.
-On tombe le site de ta mère, m’informe-t-il.
Notes: - Fin de combat trop abrupte. Faire durer plus.
- Réconciliation peu crédible.
Prochainement: Roger mon nouvel ami
Et sur ces mots, Vincent me décoche un coup de pied retourné en pleine face. Je tente de me protéger avec mes avant-bras mais il passe ma défense. Je contrattaque avec un uppercut, qu’il esquive. Une rage sourde, un besoin irrépressible de lui éclater la gueule monte en moi comme un geyser de bile.
Je frappe à l’aveugle, de toutes mes forces, avec mes pieds et mes poings, mais il esquive ou encaisse chacun de mes coups. Puis il attrape mon bras et effectue une prise de son jujitsu de merde.
Je martèle frénétiquement la touche de ma manette qui commande le mode «protection», mais le gros noir balèze, mon alter ego dans le jeu, plie sous les coups. C’est plus fort que moi, il faut toujours que je choisisse le plus costaud, jamais le plus fort. Mais Vincent a lui aussi un personnage attitré.
-Tu choisis toujours le putain de chinois, dis-je.
-Je choisis celui que je maîtrise le mieux, répond-il.
C’est ce que je croyais avoir fait moi-même, mais un «dragon fist» finit par étendre le gros noir balèze. Je pose la manette et tente de me calmer. A l’écran, le chinois commence à effectuer une sorte de danse de la victoire, faite de démonstrations de prises de jujitsu et de ce qui s’apparente à du disco. Vincent allume une cigarette d’un air de vainqueur et me souffle sa fumée au visage.
-Dans la vraie vie je te défonce, dis-je sans desserrer les mâchoires.
Il objecte que dans la vraie vie il est le seul qui sait se battre. Il ajoute que mon problème dans la vie, c’est que je ne suis doué pour rien. Pendant que je vais ouvrir la fenêtre, il envoie un texto à Xavier pour lui faire part de sa victoire, en précisant bien qu’il m’a battu «avec le chinois».
Je vais arriver en retard au travail. Je m’assois sur le rebord de la fenêtre et laisse les rayons bas du soleil réchauffer mon corps et détendre mes muscles. Les voitures qui passent me portent, m’emmènent visiter la ville, et admirer les ombres chinoises aux rideaux des immeubles.
En me retournant vers Vincent, je constate qu’il est en train de me montrer ses fesses. Il met des petites claques dessus, et j’ai subitement du mal à garder mon sérieux. J’attrape ma veste et l’enfile en feignant de l’ignorer.
-En fait, conclut-il, c’est pas que tu soies doué pour rien, c’est juste que je suis meilleur que toi partout.
-Partout?
-Sauf quand il s’agit de se faire enculer, alors là c’est toi le meilleur. N’empêche qu’avec un peu d’entraînement, moi aussi je peux devenir écrivain.
J’enfile mes chaussures en murmurant que je voudrais bien voir ça, et ma remarque semble lui faire de la peine. Redevenu sérieux, il objecte que je passe mon temps à le rabaisser.
" ...Vincent comprit alors que le seul moyen de se débarrasser du gros pédé était d’empoisonner son corps avec des excréments.
«Je vais lui dévisser la tête et lui chier dans le cou» pensa-t-il. Et c’est exactement ce qu’il fit. Il attrapa la tête du salopard déviant et commença à la faire tourner, jusqu’à ce que sa colonne vertébrale craque. Puis il tourna encore afin d’arracher les ligaments, et envoya la tête rouler plus loin comme on se débarrasse d’un bouchon.
Avec un rire démoniaque, il entreprit ensuite de baisser son pantalon, et déféqua de toutes ses forces dans la trachée du cadavre, laissée à l’air libre. Le cri bestial qu’il poussa fit fuir tous les animaux de la forêt."
Atterré, je regarde furtivement Vincent, dont les yeux sont fixés sur moi, attendant ma réaction. Son petit sourire en coin trahit une jubilation intérieure.
-Je l’ai mis sur internet et j’ai fait comme si c’était toi qui l’avait écrit, pouffe-t-il en se caressant la moustache d’un air satisfait. Ca t’apprendra à écrire des trucs sur moi où je passe pour un con.
Je me prends la tête dans les mains et serre à l’en faire exploser. Que Vincent écrive des nouvelles dans lesquelles il me chie dans le cou n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le truc c’est qu’on ne peut pas s’attaquer à lui, parce qu’il est complètement taré. Si tu lui accroches un poisson d’avril dans le dos, il va mettre un rat mort dans ton lit. Et il pense sincèrement que ce qu’il fait est juste.
J’essaye de penser à autre chose, de me convaincre que les fissures au plafond, les traces d’anciens posters sur les murs, et même le bruit de la télé dans la pièce d’à côté sont plus importants. Plus importants que les battements de mon cœur qui partent en couille, que mon envie de tout casser. Plus importants que Vincent qui attrape une bande dessinée qui dépasse de mon sac et menace de la brûler avec un briquet.
Il finit par s’arrêter quand il s’aperçoit que ma tête reste dans mes mains et que je ne trouve pas la force de la relever. Il me demande ce que j’ai, et je suis bien incapable de lui répondre, ce qui ne fait que l’inquiéter un peu plus.
Il met la main sur mon épaule et je le repousse avec un geste un peu trop violent. Il se décide alors à mettre le feu à ma bédé.
Je me lève et l’attrape par le col, pour le plaquer contre le mur. Il rit un peu, me demandant si j’ai vu ça dans un film. Puis, réalisant que je ne compte pas le lâcher, il me repousse violemment.
Je fonce la tête la première contre sa poitrine, et il étouffe un cri de douleur, avant de me repousser à nouveau, d’un coup de pied cette fois. Je tente un coup de poing, qu’il esquive. J’ai l’impression que tous les muscles de mon corps ont doublé de volume, mais c’est peut-être dû au fait que Vincent n’est pas très épais.
Je continue maladroitement d’essayer de le frapper, mais il esquive tous mes coups. Il me crie de m’arrêter parce qu’il risque de me défoncer, et je lui hurle de fermer sa putain de gueule. J’arrive finalement à placer un coup de poing, ce qui le met dans une rage folle.
On est pas dans un jeu vidéo. Il est hors de question que je perde face à un mec moins costaud que moi.
D’un coup de pied que je ne vois pas venir, il m’éclate le tibia, avant d’enchaîner par un coup de boule en plein visage. Je m’écroule pour un moment.
-Te relève pas, me supplie-t-il.
Il y a une pointe de pitié dans sa voix, et c’est sans doute pourquoi je n’en fais qu’à ma tête et retourne au front.
Je sais très bien que ce n’est pas vraiment sur Vincent que je tape, mais ce que je ne sais pas, c’est sur qui je tape exactement. Mon adversaire est plus rapide et plus habitué des combats, et après quelques frappes au ventre, il m’étale de nouveau.
-Tu te relèves pas! hurle-t-il.
Sans que je ne m’en rende compte, il a cessé de vouloir me préserver. Je n’arrive pas à m’empêcher de penser que c’est une bonne chose, parce qu’on avance pas si les autres retiennent leurs coups.
J’essaye de choper ses jambes, mais il m’écrase la main d’un coup de talon. Il commence à me donner des coups de pieds, furieusement, et je sens mes côtes se fêler. Il répète «Tu te relèves pas!» en boucle comme un possédé, et je commence à me dire que je l’ai vraiment énervé.
Je finis par arriver à agripper sa jambe et le fais tomber. Il attrape son casque de moto et me donne un coup sur le sommet du crâne. Mon unique avantage dans ce duel c’est que j’ai la tête dure. Malgré la violence du choc, je persiste à taper sur lui de toutes mes forces.
Il met fin à notre affrontement en m’écrasant le casque sur la mâchoire. Je roule sur le côté et prend mon visage dans mes mains, foudroyé, tiraillé par la douleur fulgurante. Mon environnement se brouille et une ombre noire se met à obscurcir ma vision. Le sang remplit ma bouche, et je peine à respirer. J’ai l’impression que si je lâche ma mâchoire elle va tomber.
Vincent se relève et m’observe m’étouffer dans mon propre sang. Je crache un bon coup, et remarque qu’une de mes dents part avec le molard.
-Tu te relèves pas, soupire Vincent à bout de force.
Il s’assoit par terre et commence à pleurer silencieusement. Le casque de moto glisse de ses mains et roule quelques secondes sur le sol. Ses yeux fixent le parquet sans osciller, tandis que ma respiration revient peu à peu.
-Je suis dangereux, sanglote-t-il.
Je pousse un éclat de rire, douloureux car mes côtes me font mal. Mais ça ne le réconforte pas vraiment. La vérité c’est que rien ne va jamais mieux, et que je n’arrive pas à encaisser. Je n’aurais jamais dû arrêter de fumer, parce qu’en ce moment la seule souffrance c’est de ne pas avoir de cigarette.
J’attrape le plateau avec les deux kebabs et vais rejoindre Vincent qui s’est installé à l’une des tables du fond de la salle. Il suit d’un œil distrait un match à la télé, et ne se retourne pas vers moi quand je lui mets le plateau sous le nez.
-Je croyais que t’aimais pas le foot?
Il ne répond pas, et commence à manger son kebab en silence. Je jette un œil à la télé qui surplombe la salle. Un joueur hors de lui déverse sa rage sur l’arbitre, mais sans le son je ne comprends pas bien ce qu’ils se disent. Les gens autour de nous semblent passionnés par ce jeu étrange.
Et comme il est hors de question que Vincent et moi parlions de ce qui s’est passé, et qu’il est hors de question que nous ne soyons plus amis, nous regardons ensemble un sport que nous n’aimons pas vraiment en mangeant de la merde.
Les minutes passent, vingt deux connards courent après un ballon pendant que nous avalons du ketchup et de la mayonnaise tiède. Un homme rentre un ballon dans un rectangle de métal, et reçoit des acclamations. Les cris de joie ricochent sur mon ami et moi, qui sommes trop occupés à montrer au monde à quel point nous sommes malheureux.
Les effluves de viande et de cuisiniers puants semblent couper l’appétit à Vincent. Je lui dirais bien d’aller se faire enculer et de me faire un câlin, mais j’ai peur qu’il me traite encore de pédé. Avec un frémissement de sourire, il me laisse ses frites, et je m’empresse de les décimer.
-Il faut que tu fasses quelque chose, finit-il par dire d’un air concerné.
-A propos de quoi?
-Vraiment.
Ses yeux se confrontent aux miens, et les frites que j’engouffre sont une bonne excuse pour me taire. De toute manière je n’ai vraiment aucune réplique choc qui me vient à l’esprit. C’est vrai qu’il faut que je fasse quelque chose, mais ça ne fait jamais plaisir de l’entendre.
Le match de foot prend fin, et Vincent me demande d’accélérer la cadence. Au risque de vomir, je fourre le reste de frites dans ma bouche, et nous sortons de cet enfer dans lequel nous échouons trop souvent.
Le truc c’est qu’on fait toujours les mauvais choix, et qu’on passe notre temps à les rattraper. Lui et moi ne reparlerons jamais de l’affrontement, et j’en écrirai peut-être une nouvelle.
Pour l’instant lui enfile une écharpe, et moi un bonnet, parce que l’automne ne nous fait décidément pas de cadeaux. Je fais des efforts pour ne pas boiter en marchant. Et en nous éloignant du kebab, mon ami me demande si je sais ce qui se passe quand on tape «foutre» dans Google.
-On tombe le site de ta mère, m’informe-t-il.
Notes: - Fin de combat trop abrupte. Faire durer plus.
- Réconciliation peu crédible.
Prochainement: Roger mon nouvel ami
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Celuila est plus violent que les autres !
RépondreSupprimerJ'adore la montée en puissance de l'excitation meurtrière, c'est superbement bien fait, je me suis marré tout seul comme un grand ! Merci !
RépondreSupprimerc'est un nouveau texte par jour ici ?
RépondreSupprimerNon, mais j'en publie pas mal les deux prochaines semaines pour me synchroniser avec l'avance que j'avais pris sur facebook. Ensuite je reprendrai le rythme d'un episode tous les mardis. Bonne lecture.
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