Bienvenue sur mon blog. "Irving Rutherford", c'est mon pseudo, et c'est aussi un roman feuilleton qui paraît tous les mardis. Je sais pas vous, mais moi je déteste les écrivains qui racontent leur vie, même si c'est un peu ce que je fais. Alors du coup j'arrive pas à m'empêcher de rajouter deux ou trois trucs en plus, pour agrémenter le quotidien.
Si c'est votre première visite, je vous invite à lire un épisode ou deux. Chacun peut se lire indépendamment, mais le tout est relié par une continuité, et les vieux épisodes sont gardés dans les archives.
Je souhaite une bonne lecture aux nouveaux lecteurs comme aux habitués.


27 juillet 2010

45. Roger nous dit adieu


« Vous appréhendez les échecs avec philosophie »
Xavier me dit que ce résultat c'est bien la preuve que ce magazine est un gigantesque foutage de gueule, et que je ferais mieux de m'en tenir là. Mais un nouveau test « Qu'est-ce qui vous motive vraiment ? » attire mon regard, et malgré moi je me remets à cocher des cases frénétiquement.
J'ai passé une bonne partie de la matinée sur ce supplément de l'été qui date de quelques années, et maintenant je sais que ma couleur est le vert, que je dois améliorer mon quotient émotionnel, et que je suis un acheteur compulsif.
Je frotte ma barbe sous l'œil critique de Xavier. Il me demande s'il n'y a pas un test qui s'intitule « Savez-vous vous reprendre en main », et j'évite de lui répondre qu'il a vu juste, mais que c'est un test que je ne ferai pas.
Après avoir découvert que je suis motivé par le besoin de sécurité, je pose le magazine et propose à Xavier une petite séance d'entraînement dehors. Nous sortons dans le jardin, et je me fais la remarque que le potager a meilleure allure à chaque fois que je le vois. Après nous être équipés de barres de fer, mon ami m'oblige à faire une sorte de salut rituel dont je n'ai toujours pas compris s'il est de son invention ou traditionnel.
-En garde !
-Si tu le dis.
Il attaque fort dès le départ, sans doute pour me faire rentrer dans le combat plus vite. Je repousse plusieurs assauts avec calme, et il décide d'accélérer le rythme. Nous armes s'entrechoquent dans un fracas métallique, mais je ne cède pas de terrain.
Xavier prépare son départ et veut parachever mon entraînement, je le sais. Je tente un feinte par le côté, qu'il repousse in extremis avec un juron amusé. Il fait tournoyer sa barre de fer au dessus de sa tête et l'abat dans ma direction. Je pare le coup et la violence du choc me fait trembler jusqu'aux épaules.
Je le pousse d'un coup de pied pour reprendre mes esprits. Il se déplace sur le côté et tente de me toucher aux côtes, mais j'esquive en reculant. Il me rappelle de ne pas marcher sur le potager.
« Vous êtes d'une nature combative »
Cette fois c'est moi qui attaque fort. Je rentre dans une frénésie guerrière, l'acculant pour ne pas lui laisser le temps d'élaborer de stratégie. Dans un effort imbécile, il essaye de placer une attaque frontale, et j'attrape d'une main sa barre de fer, tandis que de l'autre je le frappe au visage avec la mienne.
Un son creux et mat résonne, et Xavier pousse un cri haineux. Il m'arrache son arme, et me fauche les jambes pour me faire chuter. Mon dos vient heurter le sol, et j'ai juste le temps de voir le pied de mon entraîneur s'abattre sur ma poitrine.
C'est comme si l'air était chassé de mes poumons, et avec lui quelques organes vitaux. Je reste quelques secondes incapable de respirer, avec la vision trouble de Xavier penché sur moi, un hématome violet gonflant à vue d'œil au niveau de la pommette.
Il me sourit quand je recommence à respirer péniblement, et m'explique que nous ne combattrons sans doute jamais plus. Mais je sais qu'il a peur maintenant qu'il a compris que j'arrivais à rendre les coups.
La vision toujours trouble, je vois le visage de mon ami se déformer, prendre des teintes et des formes saugrenues, jusqu'à me révéler sa vraie nature. Sa peau est translucide, et laisse voir un crâne d'une blancheur qui me fait froid dans le dos. Ses mâchoires se mettent à bouger, et émettent des sons qui ressemblent à des râles plaintifs, à des cris de corbeaux. Puis elles deviennent des paroles, et il me faut quelques secondes pour arriver à intégrer ce que le squelette vient de me dire :
-Ça c'est fait. Maintenant il faut qu'on parle de la mort de Roger.

Un peu retourné par la discussion que je viens d'avoir, je quitte la maison de ma mère, pensant aller faire une petite balade, pourquoi pas même aller rendre visite à mon père. Dans l'allée je croise ma petite sœur qui court après un chat en l'appelant avec une voix douce. Je lui demande si c'est pour le manger.
-T'es trop con, me répond-elle.
Je pousse à travers les pavillons de banlieue, qui se ressemblent mais que je connais par cœur. Sans voitures, le quartier paraît encore plus abandonné qu'à l'accoutumée. En vérité je cherche quelqu'un qui tarde à arriver.
« Vous n'aimez pas attendre trop longtemps »
Au bout de la rue, deux gamins sont en train de trafiquer un baril de désherbant. En m'approchant d'eux, il baissent la voix sans cesser leur manège. Quand je leur demande ce qu'ils construisent, l'un d'eux, le plus âgé, lâche « une bombe » sans lever les yeux vers moi.
Une sorte de yéti vêtu d'un vieux pardessus sort d'une haie de jardin en poussant un hurlement guttural. Il fonce sur les deux gosses, qui s'enfuient en appelant à l'aide. Il crache par terre, se mouche dans ses doigts, et grogne une phrase incompréhensible. Sa barbe et ses longs cheveux sont parsemés de brindilles et de graisse.
-Roger, dis-je...
Pour toute réponse, il râle en borborygmes en se rendant compte que la bombe artisanale est plus lourde qu'il se l'imaginait. Il lève le bidon au dessus de sa tête, et me crie qu'il va tout faire péter.
-Tu es venu m'annoncer que tu retournes dans ton époque, dis-je calmement.
-Pas du tout.
-Je te comprends.
-Je vais t'exploser la gueule, à toi et ton monde de merde.
Il se mouche une nouvelle fois dans ses doigts. Son regard est chargée d'une folie peu commune, mais je ne m'en soucie pas vraiment. Des petits éclairs bleus commencent à l'entourer, et nous parlent de ces temps futurs où tout va mal.
Roger remarque lui aussi les arcs électriques annonciateurs. Il se met à pleurer doucement, bavant et tapant du pied. Il jette le baril de désherbant par terre, dans un dernier effort désespéré, espérant sans doute que ce dernier explose.
-Au revoir Roger. Tu as pris la bonne décision.
-Je l'ai pas décidé, sanglote-t-il. Tu comprends pas que si tu fais rien ce sont les autres qui vont gagner...
-Qui ça ?
L'électricité commence à crépiter autour de lui, comme une crécelle. Il semble réfléchir à sa réponse, mais abandonne très vite pour se contenter de « Les gauchistes. ». Mon esprit va dans tous les sens, tandis que Roger se fait happer par sa propre époque. Un vortex le recouvre, aspirant l'électricité avec lui, et tous les réverbères de la rue, pourtant éteints, explosent. Le vortex se contracte sur lui-même et subitement il n'y a plus rien ni personne.
« Vous avez du mal à accepter la réalité »
Certainement un des plus gros connards que j'aie jamais rencontré. Je ramasse le bidon de désherbant, pour ne pas que les gamins viennent le rechercher. Je l'abandonne quelques centaines de mètres plus loin, dans le jardin d'un pavillon que je sais abandonné. Et bizarrement, en me délestant de la bombe artisanale, je me sens plus léger pour de vrai.
Je marche jusqu'à chez mon père en flottant sur les trottoirs, et le trouve dans le jardin comme de coutume, en train de s'affairer sur son barbecue. Je lui demande ce qu'il prépare et il m'adresse un clin d'œil.
-Un chat que j'ai trouvé, me chuchote-t-il. Le dis pas à ton frère.

À mon retour la maison est endormie. Vincent dort sur le canapé devant un menu DVD qui tourne en boucle, et grommelle lorsque j'éteins la télé, arguant qu'il veut regarder la fin de son film, avant de retourner au sommeil aussi sec.
Je monte les escaliers jusqu'à ma chambre, et trouve sur mon lit le magazine de tests psychologiques. J'en fais quelques uns pour me changer les idées, allant de « Êtes-vous un vrai gentil ? » à « Êtes-vous stressé au travail ? ».
Puis, le magazine à la main, je me rends silencieusement jusqu'à la chambre de Xavier. Il a des ronflements sonores et je vois toujours son crâne à travers la peau de son visage. Hormis les bruits irritants qu'il produit, mon ami a déjà tout d'un cadavre.
Lentement, j'approche mon magazine de sa bouche, et commence à faire des va-et-viens vers son visage en me calant sur sa respiration. Je reste immobile, ne bougeant que la main, pendant vingt bonnes minutes.
« Vous n'êtes pas le dixième de ce que vous voudriez être »
On prend des décisions, c'est tout ce qu'on fait. Moi en tout cas. Et lorsque je retire le magazine, c'est comme si je mourrais un peu.


Note : Attention aux nouveaux lecteurs

Prochainement : Vincent s'impatiente

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